L’École est souvent citée comme une priorité par les parents d’enfants suivis par le SIAAM. « Nous faisons en sorte que tout soit adapté pour le jeune sur le plan scolaire », témoigne Johanna Guinard qui rappelle que tous ces jeunes sont scolarisés en milieu ordinaire. Les interventions, qui s’étendent de la maternelle aux plus grandes classes, imposent une adaptabilité et polyvalence que les trois enseignantes jugent très enrichissante. « On est essentiellement dans l’anticipation pour que ça se passe bien en classe, mais on peut aussi agir en remédiation », complète Éliane Faillet.
Avant leur intervention, l’analyse du médecin et de l’orthoptiste donne de précieux éclairages sur l’acuité visuelle du jeune. Ces éléments sur l’impact de la déficience visuelle sont les fondations du déploiement de réponses adaptées. À partir de là, les enseignantes démarrent l’observation en classe pour voir comment l’enfant travaille dans différentes matières, ses liens avec les autres, ses déplacements… « On évalue les besoins du jeune, l’accompagnement, le matériel », décrit Alexandra Koenig. Cette phase s’accompagne de rencontres avec l’équipe pédagogique et la famille qui apportent leur connaissance de l’enfant.
Passée l’observation, les objectifs, les modalités et la fréquence des interventions sont fixés dans le projet personnalisé. « En général, on propose des séances individuelles en dehors de la classe. Au départ, nous sommes beaucoup dans l’échange et travaillons sur l’acceptation du handicap », précise Johanna Guinard. Les séances ont ponctuellement lieu en classe pour voir comment l’enfant s’y comporte. Avec certains jeunes à la déficience plus légère, l’accompagnement peut se faire à la demande. « Avec nous, ils sont dans un espace où ils peuvent parler librement, sont à l’aise et développent des compétences. Mais il faut qu’ils puissent transférer dans leur classe d’inclusion ! » complète Éliane Faillet. Les enseignantes, mises à disposition par l’Education Nationale, peuvent aussi intervenir directement auprès de l’équipe pédagogique pour adapter les supports, faire du lien ou établir un bilan.
« Le SIAAM travaille sur la globalité de l’enfant. Nous ne sommes pas les seuls à intervenir. » Toutefois, les séances simultanées en binôme restent rares. « Il peut nous arriver d’intervenir avec l’ergothérapeute; sur du matériel informatique, son expertise est importante. » La dynamique d’équipe est facilitée par des réunions collectives hebdomadaires et des actions communes. Parmi ces dernières, les sensibilisations sont en plein développement. « On propose aux jeunes et aux enseignants des activités pour se mettre à la place du déficient visuel puis on échange sur le handicap », décrit Johanna Guinard.
L’intervention du SIAAM est un atout pour des équipes pédagogiques parfois démunies face à des enfants à besoins particuliers. « Beaucoup de directeurs nous remercient de leur avoir apporté des réponses concrètes », reconnaît Alexandra Koenig. « Nous n’avons jamais eu de rejet franc, mais parfois il faut du temps pour cheminer et accepter nos conseils. » Face aux évolutions de la société, les enseignantes spécialisées s’appuient sur la formation. Dans le cadre du SARADV (le réseau Soins et Accompagnement en Rhône-Alpes pour la Déficience Visuelle), elles sont en lien avec leurs collègues de la région. Elles peuvent participer à des colloques nationaux. Enfin, la présence hebdomadaire d’une transcriptrice du CTRDV (Centre technique régional pour la déficience visuelle) dans les locaux du SIAAM apporte un soutien technique bienvenu pour le travail avec les braillistes.
L’une des particularités du SIAAM est que le suivi se fait à long terme. « Nous avons un rôle de veille toute l’année, auprès de tout le monde. On ne peut pas s’arrêter aux sensibilisations, aux recommandations de début d’année. Nous sommes là pour rappeler les aménagements si nécessaires», insiste Éliane Faillet .
Ce besoin d’accompagnement évolue au fil des années. « D’une manière générale, plus les jeunes grandissent, plus les suivis s’espacent. Ils gagnent en autonomie en maitrisant les outils et ne veulent plus que leurs différences soient visibles. » Alexandra Koenig acquiesce. « Notre objectif est de les étayer pour pouvoir nous retirer pour qu’ils soient en mesure de demander de l’aide en fonction de leurs besoins. Quand ils arrivent à les verbaliser tout seul, c’est gagné ! » L’après-SIAAM est préparé au cas par cas, en essayant d’anticiper au mieux l’avenir. Un suivi à trois ans est en place et les liens peuvent être maintenus. « Les jeunes savent où nous trouver. Ils peuvent nous appeler sans crainte. »
Au sein du dispositif OASIS (qui comprend également un foyer ouvert fin 2022), l’équipe mobile amène des réponses aux jeunes situés au carrefour de plusieurs vulnérabilités. Elle œuvre pour les maintenir dans leur lieu d’accueil, éviter toute rupture de parcours ou réfléchir à une orientation plus adaptée. Elle agit dans tout le département depuis 18 mois pour soutenir des enfants avec une mesure d’aide sociale à l’enfance et une notification MDPH. L’équipe est présente partout où se trouvent les enfants : placement en MECS, dans une famille d’accueil, à domicile, un IME, un ITEP ou scolarisation en milieu ordinaire. « L’approche est assez neuve, mais les besoins sont là », estime Laëtitia Caron, manager de service du dispositif OASIS. Très liée à la Protection de l’Enfance, l’équipe mobile est logiquement sollicitée par les MECS ou les familles d’accueil auprès desquelles les interventions augmentent. Les liens avec la MDPH se renforcent à travers des comités de suivi examinant les situations où l’équipe mobile serait bénéfique.
L’équipe mobile est mobilisée sur 9 accompagnements en même temps, avec une file active comprise entre 18 et 36 enfants sur l’année. Les interventions se sont accélérés en 2022 , le service s’étant fait connaître et reconnaître. Cette année a été l’occasion de prendre ses marques et d’ajuster l’offre. D’abord composée de travailleurs sociaux, l’équipe s’est ouverte au sanitaire et au médico-social pour inclure infirmier, AES (Accompagnant Educatif et Social), assistante sociale et éducateur spécialisé à temps plein auxquels s’ajoutent un psychologue et un neuropsychologue.
Une fois interpellée par les services du Département, l’équipe se rapproche de la structure à l’origine de la sollicitation pour examiner la situation. « Nous rencontrons toutes les personnes intervenant autour de l’enfant pour voir ce qui existe, ce qui fonctionne déjà et pourrait être transposé ailleurs », résume Laëtitia Caron. « Nous sommes force de propositions et construisons avec les partenaires». Avec son regard extérieur, l’équipe mobile lève souvent le voile sur des causes profondes expliquant les troubles.
Selon les besoins, l’équipe mobile détermine les accompagnements à déployer et les professionnels qui vont intervenir pendant trois mois, renouvelable une fois. Agilité et réactivité sont les maîtres mots. Les professionnels de l’équipe interviennent à n’importe quel moment de la journée, en fonction des besoins du jeune. « Il faut faire avec le contexte de chaque institution », estime Danielle Chival, responsable de territoire. L’intervention de l’équipe mobile doit rester temporaire. Au bout des six mois, elle passe le relais, même si elle peut rester en veille. « Le but n’est pas de se substituer aux acteurs en place, mais d’intervenir pour donner des clefs pour que les professionnels s’en saisissent ».
L’équipe mobile a d’abord été majoritairement sollicitée pour des situations de crise, notamment avec des adolescents. Petit à petit, se faire mieux connaître lui a permis d’être présent en amont d’éventuelles crises et d’agir en prévention pour éviter les ruptures de parcours. Laëtitia Caron se souvient de ce jeune avec qui la structure d’accueil n’arrivait plus à communiquer. En observant la situation, l’équipe mobile a pu imaginer des solutions adaptées avec la MECS, l’école et la famille grâce à des visites une à deux fois par semaine. En parallèle, un suivi des soins a été initié.
La facilitation du lien par l’équipe mobile entre tous les acteurs est incontournable. « Quand des outils sont à construire, à mettre en place, on aide à le faire, on expérimente avec l’enfant, les partenaires », ajoute Danielle Chival. « Aller sur le terrain donne une plus-value, une légitimité ». Malgré les contraintes imposées par le contexte de la protection de l’enfance, le travail collectif avec les familles est indispensable. « Il n’y a pas d’enjeu de placement avec l’équipe mobile. C’est une approche différente avec les parents. On vient en plus, en support pour que le jeune soit le mieux possible. »
Résultat : la grande majorité des liens avec les familles qui disposent d’une vraie expertise sur leurs enfants se passe sans accroc.
L’origine de la Communauté 360 remonte à la Conférence Nationale du Handicap de février 2020, qui avait insistée sur l’inconditionnalité de l’accompagnement. Un travail s’était alors engagé dans les territoires pour déployer ces communautés. « Leur finalité est de répertorier, capitaliser et mobiliser toutes les solutions disponibles sur un territoire à chaque étape du parcours de vie d’une personne en situation de handicap », précise Philippe Roche, vice-président des PEP 01. Si l’association en assure le portage administratif, Catherine Malbos, directrice départementale de l’ARS insiste : « la Communauté 360 appartient à tous. » Une philosophie que rejoint Philippe Roche. « Nous voulons soutenir l’émergence d’une gouvernance partagée pour des réponses à 360°, associant les personnes handicapées, leurs aidants et leur environnement. » Pour que chacun apporte sa pierre à l’édifice, une charte d’engagement a été rédigée. Elle prévoit que chaque partenaire puisse s’engager selon ses capacités en tant que membre cœur, coordonnant l’action de la Communauté ou comme partenaire, impliqué plus ponctuellement.
L’ambition de la structure est de rechercher des solutions proches des lieux de vie pour éviter des ruptures de parcours grâce à un fort réseau de partenaires. « Nous voulons proposer des réponses communes et coordonnées sur un territoire, en priorité vers des personnes isolées et sans solution », résume Philippe Roche. « C’est une communauté apprenante au service du droit commun, de la promotion de l’autodétermination, du partenariat et de la coopération. »
Les échanges avec les partenaires, dont en premier lieu la MDPH, sont la clef de la réussite. Marylène Thévenet, sa directrice souligne « la nécessité de construire ensemble tous les circuits, modes d’interpellation et de mettre du lien. » Aude Peigné, responsable de territoire des PEP 01, poursuit : « c’est une nouvelle méthode de coopération. La communauté s’inscrit dans l’écosystème existant en s’appuyant sur les compétences de chacun et le lien entre les acteurs du droit commun et du spécialisé. »
Elle distingue trois niveaux d’intervention:
Le point d’entrée est le 0800 360 360, numéro unique joignable du lundi au vendredi entre 8 h et 20 h. Il s’adresse aux personnes de tout âge et de toute situation (y compris aux aidants, bénévoles ou professionnels). « On appelle d’abord pour être écouté, trouver des solutions à des problèmes d’accessibilité, obtenir des informations, être soutenu quand des demandes n’aboutissent pas ou pour construire des solutions au quotidien », détaille Pascale Louvenaz, coordinatrice de la Communauté. Les requêtes concernent l’accessibilité aux services ordinaires au sens large, de la scolarité à l’insertion, en passant par la formation, le logement, les transports, les loisirs, la culture…
Dans l’Ain, deux ÉMAS gérées par les PEP 01 et Entraide Union se partagent le territoire : Les PEP01 agissent sur les secteurs Nord et Est, Entraide Union sur les secteurs Sud et Ouest. Celle des PEP 01, créée en 2021, a poursuivi sa croissance en passant de 19 demandes l’année dernière à 32 cette année. Pour Thomas Durafour, son coordinateur, l’objectif des 50 interventions annuelles est à porter.
Cette croissance se justifie par un important travail auprès des partenaires. Coordinateurs, enseignants, psychologues ont été rencontrés pour expliquer la philosophie de l’EMAS. Elle n’arrive pas avec une posture de sachant, ne remplace pas le travail des professionnels de l’enseignement, mais amène un éclairage, une expertise complémentaire. « Nous sommes dans la coopération totale avec les acteurs de terrain qui voient la plus-value. Nous n’imposons rien. Nous venons comme un tiers, neutre, apporter des ressources. » Cette expertise s’est notamment matérialisée par la « valise à malices » qui suit les professionnels sur le terrain et rassemble des solutions pratiques, adaptées aux besoins des enfants. Les interventions de l’EMAS sont multiformes : écoute, groupes de parole, observation, sensibilisation, appuis en classe, avec des accompagnements allant de plusieurs mois à une année.
Cette année scolaire a été marquée par le développement des interventions dans le secondaire : une dizaine ont eu lieu dans des collèges et lycées. Des actions d’ampleur ont même été menées autour de Belley avec un accompagnement multiformes qui s’achèvera par une journée de formation pour tous les professionnels de l’établissement sur les TSA (Troubles du Spectre Autistique) et les élèves à besoins éducatifs particuliers.
Cet exemple reflète la place prise par l’ÉMAS dans la dynamique de formation. « L’ASH a identifié les ÉMAS comme pouvant apporter une technicité supplémentaire aux professionnels de l’Éducation Nationale dans leur formation », souligne Thomas Durafour. C’est ainsi que, récemment, 90 enseignants ont été sensibilisés aux troubles de l’attention avec l’appui de l’EMAS.
« L’Éducation Nationale dispose d’un grand panel de solutions. On les aide à identifier les outils, les supports pédagogiques qu’ils peuvent mobiliser. »
Depuis sa création, l’ÉMAS des PEP 01 participe à des rencontres régionales régulières entre les équipes gérées par les PEP. Une vingtaine ont eu lieu à distance, rassemblant les coordinateurs et les managers pour échanger sur les pratiques. À cela se sont ajoutées deux rencontres physiques et thématiques dont la dernière a été organisée le 22 mars en présence pour la première fois de la gouvernance des associations pour réfléchir au fonctionnement des ÉMAS. L’objectif était de favoriser la cohérence des pratiques dans un contexte où chacune avance selon sa culture, son territoire et son établissement de rattachement.
La prochaine étape sera franchie au printemps 2024 avec une journée sur la place des ÉMAS dans l’inclusion scolaire. Elle s’adressera à d’autres équipes régionales et nationales ainsi qu’à l’Éducation Nationale qui pourra partager sa vision et ses attentes des ÉMAS. Près de 300 personnes sont attendues. La journée serait rythmée par l’éclairage d’un enseignant-chercheur, le témoignage de familles, des tables rondes thématiques et des vignettes de réalisations de terrain.
Les PEP 01 présenteront leur jeu sur l’école inclusive. Ce projet est né, presque par hasard après une rencontre entre les professionnels de l’ÉMAS et une équipe enseignante en difficulté. Les premiers finissent par imaginer les règles d’un jeu avant qu’un prototype soit conçu. Après une première expérimentation, le jeu est réajusté avec de nouvelles règles, plus simples et ludiques. L’objectif sera, à terme, d’en faire un support de terrain, utile pour travailler l’inclusion scolaire.